Association agréée pour la protection de l’environnement au niveau départemental – Haute-Vienne
Contribution consultation du public sur la demande d’octroi du permis exclusif de recherches de mines dit « Nouveau Bourneix »
1) Constats sur l’or
Si l’on tient compte des chiffres de production d’or mondial donnés par le World Gold Council1, il est aisé de constater que la demande principale de cette matière précieuse est majoritairement utilisée dans la joaillerie, suivi de l’investissement financier et des réserves des banques centrales pour finir par 309 tonnes pour les technologies. On constate que le prix de l’or a atteint son cours le plus haut sur les trois dernières années depuis 13 ans.
L’approvisionnement de ces demandes est principalement fourni par l’extraction minière (3649 tonnes en 2022) et le recyclage de l’or qui ne cesse de diminuer sur les 13 dernières années. En 2022, le recyclage aura tout de même permis de réutiliser 1141 tonnes d’or soit plus de 3,6 fois les besoins technologiques.
1.https://www.gold.org/goldhub/data/gold-demand-by-country
2) Des urgences planétaires qui nous obligent
Dans le rapport sur l’État de l’environnement 2019 du Ministère de la Transition Écologique et solidaire2, un chapitre entier est consacré à l’analyse des contributions du pays au dépassement ou au respect des limites planétaires. La France dépasse six des neuf limites et le rapport précise « qu’outre le fait de constituer un cadre d’analyse novateur, l’approche inédite des limites planétaires correspond à la nécessité d’actualiser les informations environnementales en offrant aux citoyen.nes et aux décideurs une compréhension plus globale de la situation nationale ».
En 2019, six limites planétaires dépassées pour la France : émissions de CO2 toujours trop élevées, érosion de la biodiversité, perturbation du cycle de l’azote et du phosphore, contribution à la déforestation mondiale, acidification des océans et surutilisation des ressources d’eau douce (« Prélèvement global en deçà du seuil, mais les volumes prélevés en été, notamment pour le refroidissement des centrales nucléaires ou pour l’agriculture, dépassent localement les volumes d’eau renouvelables disponibles » ibid. 1, p.12). Deux limites en cours de stabilisation ou de diminution : l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère. Une limite non évaluée en 2019 car seuils non encore définis : les entités nouvelles dans la biosphère (« La France contribue aux rejets de polluants chimiques dans l’environnement sur son territoire, mais également dans les océans ex. déchets plastiques » ibid. 1, p12).
Malgré les progrès technologiques, nous surexploitons les ressources au détriment des autres populations, des autres espèces et des générations futures. En France, les choix politiques et les investissements financiers, nous ont conduits à externaliser une grande part des impacts environnementaux de nos modes de vie. Aussi, nous sommes la plupart du temps dans le groupe de tête des pays présentant les plus grandes empreintes environnementales3, nous surconsommons des matières premières, des surfaces de terre, d’eau dite bleue et des énergies bien au-delà de ce que nous pouvons produire sur le territoire. Nous consommons quatre fois plus d’eau à l’étranger pour la production des biens que nous importons que l’eau que nous consommons directement sur le territoire national. Pour l’empreinte matière, cela est aussi flagrant si l’on compare les importations de matières
- https://notre-environnement.gouv.fr/donnees-et-ressources/ressources/rapport-sur-l-etat-de-l-environnement-en-france/article/rapport- sur-l-etat-de-l-environnement-en-france-edition-2019?type-ressource=liens&ancreretour=ancreretour1353&lien-ressource=5692
- https://economie.eaufrance.fr/lenvironnement-en-france-2020-focus-sur-les-ressources-naturelles
premières et produits entre 1990 et 2016, +19% en millions de tonnes alors que la population a augmenté de 12% dans l’intervalle. Aussi, l’importance des enjeux liés à l’environnement dus à l’extraction minière intensive concerne directement le réchauffement climatique, la baisse de ressources naturelles, la destruction des écosystèmes et la dégradation de la biodiversité aussi bien sur le territoire national qu’en dehors.
Atteintes à la biodiversité :
Lors de l’adoption du rapport intergouvernemental d’évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques de 2019, son président Sir Robert Watson déclarait « La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier ».4 Ce rapport fait la démonstration des atteintes à la biodiversité qui sont imputables à l’expansion humaine et à l’intensification de son utilisation des ressources naturelles, avec pour conséquences pour n’en citer que quelques-unes :
- Les trois quarts de l’environnement terrestre et environ 66 % du milieu marin ont été significativement modifiés par l’action humaine.
Plus d’un tiers de la surface terrestre du monde et près de 75 % des ressources en eau douce sont maintenant destinées à l’agriculture ou à l’élevage.
- La valeur de la production agricole a augmenté d’environ 300 % depuis 1970, la récolte de bois brut a augmenté de 45 % et environ 60 milliards de tonnes de ressources renouvelables et non renouvelables sont maintenant extraites chaque année dans le monde – quantité qui a presque doublé depuis 1980.
- La dégradation des sols a réduit de 23 % la productivité de l’ensemble de la surface terrestre mondiale.
Les zones urbaines ont plus que doublé depuis 1992.
- La pollution par les plastiques a été multipliée par dix depuis 1980 ; environ 300-400 millions de tonnes de métaux lourds, solvants, boues toxiques et autres déchets issus des sites industriels sont déversées chaque année dans les eaux du monde, et les engrais qui arrivent dans les écosystèmes côtiers ont produit plus de 400 « zones mortes » dans les océans, ce qui représente environ 245.000 km2, soit une superficie totale plus grande que le Royaume-Uni…
L’IPBES soutient qu’il est encore possible de conserver, de restaurer et d’utiliser la nature de
manière durable et d’atteindre d’autres objectifs sociétaux – notamment pour l’alimentation, l’eau et l’énergie, la santé et le bien être pour tous. Des leviers critiques ont été identifiés afin d’assurer les transformations nécessaires en direction de la durabilité de la biodiversité :
- permettre des visions d’une bonne qualité de vie qui n’impliquent pas une consommation matérielle toujours croissante ;
- réduire la consommation totale et les déchets, notamment en traitant différemment dans des contextes différents aussi bien la croissance démographique que la consommation par habitant ;
- rappeler les valeurs existantes et largement partagées concernant la responsabilité, afin qu’elles influent sur les nouvelles normes sociales pour la durabilité, et étendre en particulier la notion de responsabilité de manière à inclure les effets associés à la consommation ;
- traiter les inégalités, en particulier de revenu et de genre, qui compromettent la capacité en matière de durabilité ;
- garantir un processus décisionnel inclusif, un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources, ainsi que le respect des droits de l’homme dans les décisions portant sur la conservation ;
- rendre compte de la dégradation de la nature découlant des activités économiques locales et des interactions socioéconomiques environnementales à distance comme, par exemple, le commerce international ;
- assurer une innovation technologique et sociale respectueuse de l’environnement, prenant dûment en compte les possibles effets de rebond et les régimes d’investissement ;
- promouvoir l’éducation, la production de connaissances et la conservation de différents systèmes de connaissances, y compris les sciences et les savoirs autochtones et locaux se rapportant à la nature, à la conservation et à l’utilisation durable. » 5
3) Concernant la demande de permis de recherche de mines
En première intention, il convient de réduire drastiquement les recours à l’or primaire en réservant son utilisation pour les fonctionnalités qui ne peuvent s’en passer et maximiser autant que possible l’usage de l’or recyclé.
Plus d’un tiers de l’or extrait mondialement provient de coproduction sur des sites miniers principaux de cuivre, de nickel, de plomb ou de zinc et sont suffisants pour les besoins technologiques.
L’extraction minière de l’or est plus particulièrement problématique aux titres des atteintes environnementales. Comme pour toutes les extractions minières, les sites exploités sont irrémédiablement pollués, nous disposons de plus de 2000 ans d’expérience en la matière pour nous en rendre compte. Les pollutions ne sont pas ou trop peu prises en charge par les exploitants, ce sont les populations qui en subissent les impacts et les charges financières. Tous les procédés de l’excavation en passant par les broyages, les préconcentrations et traitements finaux consomment une énergie considérable, majoritairement d’origine fossile donc fortement émetteur de GES.
Les quantités d’eau nécessaires aux divers traitements sont aussi considérables. À ce titre, il faut mentionner que les communes de prospection font partie de l’arrêté6 de délimitation de zone de répartition des eaux du bassin Adour-Garonne (Bassin de l’Isle). Il faut rappeler que les ZRE sont caractérisées par une insuffisance chronique des ressources en eaux par rapport aux besoins des usagers. Les zones humides représentent 18% de la commune Le Chalard7 par exemple et sont à
« préserver systématiquement en évitant leur dégradation lorsqu’elles existent » selon la règle N°24 du SRADDET Nouvelle-Aquitaine. Zones à dominantes humides, SRADDET Nouvelle-Aquitaine8
- https//ipbes.net/sites/default/files/202002/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf
- https://www.dordogne.gouv.fr/index.php/Actions-de-l-Etat/Environnement-Eau-Biodiversite-Risques/Eau-et-milieux-aquatiques/Gestion- de-l-eau-et-des-milieux-aquatiques/Zone-de-Repartition-des-Eaux-ZRE-du-bassin-Adour-Garonne
- https://www.eptb-dordogne.fr/public/content_files/87_LE_CHALARD.pdf
- https://geoportail.biodiversite-nouvelle-
La zone de prospection est une zone sensible par rapport aux enjeux de l’eau en termes quantitatifs, mais aussi qualitatifs, d’autant plus qu’elle se situe en tête de bassin. La qualité des eaux de la rivière l’Isle sur la zone de prospection est passée d’un état écologique médiocre en 2019 à moyen à partir de 2020.
Qualité des eaux souterraines en affleurement en mauvais état sur la zone prospection et pollutions diffuses aux pesticides de l’Isle sur la zone concernée (source ARB), page suivante :
L’eau sera impactée considérablement tout particulièrement par le procédé de cyanuration dans le cas le l’or lié (évoqué dans le dossier de consultation) qui devrait être interdit comme pour le mercure qui a été interdit en 2006 en France pour l’amalgamation. Les effluents d’eau miniers sont autant de sources de pollutions diffuses majeures, tout comme les nappes aquifères minières qui sont incontrôlables au même titre que la percolation des eaux pluviales sur les dépôts de résidus miniers.
L’ensemble de ces points nous font plaider pour une impossibilité d’extraction aurifère industrielle dans cette zone géographique ainsi que d’argent ou de platinoïdes. La production de joailleries n’est absolument pas une priorité et ne peut plus justifier de tels sacrifices environnementaux. Quant aux platinoïdes utilisés majoritairement (+de 40% de la production mondiale) pour la fabrication de pots catalytiques, leur utilisation est appelée à décroitre massivement vu notamment l’interdiction de commercialiser en Europe des véhicules à moteur thermique à partir de 2035.
Pour conclure, l’extraction minière n’a jamais été et ne pourra jamais prétendre faire partie du développement durable, quels que soient les chartes ou engagements volontaires que proposent les exploitants, qui n’engagent qu’eux. Des métaux sont nécessaires, leur recyclage doit être privilégié et le choix de ceux qu’il est absolument nécessaire d’extraire se doit d’être rigoureux et responsable. Le permis de recherche de mines sollicité ici, surfant sur le prix de l’or particulièrement élevé sur les trois dernières années, ne remplit aucune de ces conditions, raisons pour lesquelles nous demandons qu’un avis défavorable à son octroi soit acté.
Pour Barrage Nature Environnement, Le Palais-sur-Vienne, le 11/07/2023 Cédric FORGET, président.